La fin de l'homme pensant

Selon une étude récente, en deux générations, les trois-quarts des bistrots ont disparu. Or, les discours du Café du commerce, ça donnait au moins l’occasion de raisonner, en se confrontant à l’autre. Un exercice de dialectique, quelque soit le sujet, même le plus superficiel. Depuis l’avènement de la télévision, d’Internet et des jeux vidéos, où pendant des heures des images se succèdent et sont ingurgitées sans aucun temps de réflexion, chez certains, le dialogue avec l’autre, dans une journée, est extrêmement réduit.

Un sage de la Chine ancienne (Lao-tseu ?) aurait dit : « dès que les images danseront, ce sera le signe de la fin de l’homme ».

Le cerveau humain perd ainsi l’habitude de faire fonctionner les interactions constantes de ses neurones. Les actes deviennent des automatismes déclenchés par de simples stimuli sans réels dosages du pour et du contre. Cet être mutant ne peut avoir une vision claire des conséquences de ses actes puisqu’il est incapable de se projeter dans l’avenir.

Voilà pourquoi il y a tant d’actes a priori incohérents, que ni les sociologues ni les policiers ni les juges n’arrivent à expliquer. Des actes de vandalisme, des crimes, que les auteurs ne s’expliquent pas eux-mêmes. Certes il n’est pas question d’occulter les causes liées à l’éclatement de la famille, au manque d’éducation, à la drogue et aux difficultés de certaines catégories sociales. Mais ces arguments ne peuvent expliquer à eux seuls l’ampleur du phénomène et sa généralisation à quasiment toute la planète.  Une planète qui se transforme en un grand asile d’aliéné.

Les jeunes qui se livrent à une activité musicale, culturelle, sportive, ou bien qui s’engagent dans un combat politique ou associatif, et qui sont donc par ce fait, plus en contact avec les autres, quelle que soit leur catégorie sociale, ne paraissent-ils pas plus à l’abri de la délinquance ? Comme il n’est évidemment pas envisageable d’interdire la télévision, internet et les jeux vidéos, en revanche, un effort devrait donc être fait pour inciter les jeunes à se diriger vers toutes sortes d’activités culturelles et sportives, et pour cela, il faut bien évidemment les rendre gratuites.

Ça va coûter cher n’est-ce pas ?

Sûrement moins cher que le coût financier et social des dégâts du vandalisme et de la délinquance. Bien moins que ce que coûte au pays les gaspillages en tous genres qu’aucun gouvernement n’a encore réussi à freiner. Bien moins que le montant annuel de la fraude fiscale des grandes entreprises.

Comme dit l’autre, c’est une question de volonté politique. Mais il est vrai que depuis De Gaulle, il n’y a plus de volonté politique, il n’y a plus que de la communication, c’est-à-dire du pipeau, pour le plus grand profit du nouveau pouvoir dictatorial qui sévit depuis sur le monde, celui des multinationales.

     Annaba, auteur de « Journal incorrect 2005-2008 »