Testament pour asticots (suite)
Je suis sur le départ, enfin.
J’ai vécu ma jeunesse au bord de la Méditerranée
peu polluée et naturellement empoissonnée.
Puis j’ai pu faire de tranquilles études
grâce à l’Etat Providence.
J’ai trouvé un emploi sans aucun problème.
Jamais je n’ai connu le chômage.
J’avais une maison et un jardin
qui me donnait quelques sains légumes
et des fruits très goûteux.
J’ai profité suffisamment d’une retraite raisonnable
et de l’entière liberté qu’elle procure.
Je suis heureux de partir.
Quand je pense au monde que je laisse derrière moi,
gangréné de part en part par le culte du Veau d’or
dont les prêtres, de cyniques prédateurs
ne se complaisent que dans les corruptions,
les spoliations, les destructions.
Sans compter les vrais et les faux naïfs
qui s’acharnent chaque jour
à paver de bons sentiments leur enfer quotidien.
Dans les villes, de plus en plus,
l’on rase toutes ces maisons encore à l’échelle humaine
avec leurs arbres et leurs jardins,
pour y édifier des milliers de clapiers,
favorisant l’agressivité, la haine, la violence.
Il faut loger les gens, toujours plus de gens ;
ils ne savent pas quoi faire d’eux-mêmes,
ils ignorent pourquoi ils sont là,
ils n’ont rien à faire si ce n’est nuire aux autres
parce qu’il n’y a plus de terre à cultiver sous leurs pieds.
Or seule la terre sait,
en digérant la mort et les rebuts, renouveler la vie.
Mais elle est partout excavassée ou bétonnée,
par les fanatiques du dieu Profit
qui l’exploitent outrageusement
par des déforestations inconsidérées
et des cultures qui la rendent totalement stérile,
en la gorgeant d’engrais chimiques et de pesticides.
C’est prétendument pour nourrir
des milliards d’êtres humains
dont pourtant de plus en plus meurent de faim.
Et ce n’est que le commencement
de cette gigantesque escroquerie planétaire
que l’on appelle Mondialisation
et qui n’est que la dictature
de la Finance Mafieuse Internationale.
Si les progrès des sciences et des techniques
avaient été mis au seul service de l’homme
et non accaparés par quelques impuissants
menés par leur volonté de domination
nous aurions pu vivre tous, certes frugalement,
mais dans l’entente cordiale.
Pauvre monde. Pauvre humanité.
Je vais vous quitter,
sans aucun regret.
ANNABA, auteur de « Testament pour asticots ».
Les Presses du Midi.